Plongée dans les archives d’Aurigny, l’île aux 4 camps (épisode 2/4)

Des camps de travail et de concentration ont bel et bien existé sur les îles anglo-normandes. Sur une en particulier : Aurigny. Un travail de recherche dans les bulletins pour la mémoire de la Shoah, dans les archives du Dailymail, auprès de la congrégation des juifs de Jersey ou encore sur le site d’un photographe fait prisonnier en Allemagne, a permis aux lycéens de comprendre le triste sort des prisonniers d’Aurigny, au large de Cherbourg, en Normandie. Après avoir travaillé sur l’occupation des îles entre 1940 et 1945, voici le deuxième volet des recherches des lycéens, rédigé par Corentin Lalleman. 

Quatre camps ont été construits en Janvier 1942 sur l’île d’Aurigny, après l’évacuation des habitants en Juin 1940: Helgoland, Norderney, Borkum et Sylt.

four camps map

Entre 3 000 et 4 000 hommes y étaient incarcérés.  Au départ, il s’agissait de prisonniers ukrainiens, de Russes et d’autres pays d’Europe de l’Est. Puis sont arrivés des ressortissants d’Europe de l’Ouest, comme des Républicains espagnols, des Nord-Africains d’Algérie, du Maroc et enfin des Juifs Français appelés « demi-juifs » car mariés à des non-juifs.

Les camps d’Helgoland et Borkum regroupaient des techniciens allemands, des travailleurs «volontaires» de différents pays d’Europe ainsi que des soviétiques travaillant pour l’Organisation Todt, afin de construire le mur de l’Atlantique (voir le premier volet de nos recherches).

Les camps de concentration

A Norderney et Sylt, la finalité des camps, la population et le traitement de celle-ci n’était pas la même que dans les camps de travail.  Y étaient incarcérés des travailleurs forcés appartenant à des groupes spécifiques: des juifs, des slaves d’Europe de l’est, des tziganes. A partir du 1er mars 1943, ils sont devenus des camps de concentration contrôlés par les SS. L’objectif de ces camps était de les assassiner en exploitant la moindre calorie de leur corps pour construire les fortifications du mur de l’Atlantique. Les conditions de vie y étaient extrêmement dures avec une brutalité permanente et
nombreux sont morts de maladie, de faim, d’épuisement et sous les coups.

Il n’y a pas de chiffre exact sur le nombre de morts, mais 750 tombes ont été enregistrées sur Jersey, Guernesey et Aurigny. Cependant, selon les archives, de nombreux corps auraient été enterrés sur place ou jetés à la mer. Le Musée de l’Holocauste américain estime qu’à Aurigny, un prisonnier étranger sur 10 est mort sur l’île.

Anton Yezhel est un des quelques travailleurs forcés envoyés à Aurigny à avoir été
photographié. Malheureusement on ne sait pas s’il a survécu.

Anton Yezhel forced slave worker sent to Alderney.www.dailymail.co.uk

Voici quelques unes des photos qu’on pense être celles du camps de Sylt Lager, prises pendant qu’il était opérationnel entre 1943 et 1944.

Alderney slave laborers and camp
Travailleurs sur une route de l’île. On ne sait pas vers quel camp ils
allaient ou revenaient.
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Seule photo confirmée du camp de concentration de Norderney. Crédit: archives du site de Franck Falla http://www.frankfallaarchives.org

Au dos de cette photo était écrit au crayon : « THOMANN chauve à droite. A gauche, un polonais, le reste, des Autrichiens, tous employés au magasin de bottier dans le camp de Norderney, pris en 1944 ». Le rôle et l’identité du dénommé Thomann n’a été mentionné dans aucun autre dossier des archives nationales. Les Autrichiens sont des travailleurs de l’Organisation Todt.

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Une photographie des Républicains espagnols prisonniers à Aurigny. Crédit: archives du site de Franck Falla http://www.frankfallaarchives.org

Les camps d’Aurigny étaient administrés depuis le camp de concentration de
Neuengamme en Allemagne. Ces espagnols en photo ont été capturés par les Nazis en France, où ils s’étaient réfugiés après la Guerre civile espagnole. D’après le livre Spaniards in the Holocaust de David Pike, la plupart des Espagnols étaient dans le camp de concentration de Norderney, où cette photographie a vraisemblablement été prise. Pour chacun des hommes sur la photo, les chances d’avoir survécu à la guerre sont moins de 1,5%: sur 4 000 Républicains espagnols à Aurigny, on sait que seuls 59 ont survécu.

La libération des camps 

En juin 1944, les Allemands ont commencé à évacuer les camps envoyant les prisonniers vers d’autre camps dans les territoires occupés d’Europe. Suite au débarquement des alliés à Aurigny le 16 mai 1945, huit jours après la capitulation allemande, les Allemands ont été faits prisonniers de guerre et déplacés de l’île le 20 Mai. Les habitants d’Aurigny ont commencé à revenir sur l’île en décembre 1945. Partout à Aurigny, des maisons ont été endommagées pendant l’occupation: les photos (ci-dessous) exposées aux musée d’Aurigny en témoigne. On a gardé les prisonniers allemands à Aurigny pour déminer l’île et réparer les dommages après la libération.

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